Aussi appelée la méthode des “pays nordiques”, l’éducation positive est une méthode récente et rapidement popularisée. Elle se base sur :
- le renforcement des comportements attendus, dans un premier temps à l’aide de friandises, puis sans ;
- la prévention des situations dans lesquelles le chien pourrait avoir des comportements indésirables ;
- pas de hiérarchie entre l’homme et le chien.
Cette méthode présente beaucoup d’arguments séduisants et idéalistes. Il n’y a pas de hiérarchie entre l’homme et le chien. Elle est remplacée par la conception d’une cohabitation d’égal à égal. Le chien ne doit pas être sanctionné, car on prévient les situations où il pourrait en faire. Cependant dans les faits, cette méthode n’est pas aussi rose que sur le papier.
Nous rencontrons Elodie Taillieu, éducateur canin, qui nous partage son expérience avec l’éducation positive. Elle alerte sur ses limites, et identifie les bénéfices que l’on peut conserver.
Qui est Elodie Taillieu, éducateur canin ?
Nous avons récolté de nombreuses informations et conseils auprès d’Elodie lors d’une interview, que vous découvrez dans cet article. Elodie est une ancienne maître-chien dans l’armée pendant plusieurs années. Elle a suivi un parcours de reconversion pendant deux ans au sein d’un club. Cette reconversion lui permet de pouvoir exercer son métier passionnant dans le civil, c’est-à-dire au bénéfice des particuliers. Elle exerce son métier à Lille et ses alentours. Elodie a participé au Championnat de France de dressage.
Lors de sa participation au championnat de France, Elodie a partiellement employé l’éducation positive. Surtout pour un exercice en particulier : l’exercice de la position statique.
Lors de l’interview, nous pouvions sentir la passion d’Elodie pour l’éducation canine. Ses relations constructives et patientes avec les maîtres, sa bienveillance envers les chiens et leur famille ont rendu cet échange pétillant et inspirant.

Pas de hiérarchie, c’est risqué !
L’éducation positive écarte la hiérarchie du schéma relationnel chien-humain.
Dans les concepts d’éducation positive, on considère le chien comme un être vivant égal à son maître humain. On dit dans le jargon de l’éducation positive qu’il n’y a pas de dominance. La cohabitation entre le maître et son chien est le résultat du bon vouloir des deux parties. Par ailleurs, le chien et le maître sont plutôt présentés respectivement comme « l’humain et le chien » dans ces concepts).
Ce n’est pas une notion qui a convaincu Elodie lors de sa formation. Avec son expérience, elle a pu développer un regard critique sur ce point, qu’elle nous a confié.
Elodie ne parle pas de « dominance », elle le utilise le terme « hiérarchie ». La structure de la relation entre le chien et son maître n’a pas vocation à être une soumission malsaine, biensûr. Il indique que cette relation est composée d’un chef et de son associé, et chacun sait qui aura le dernier mot : l’humain, le maître. Chacun peut présenter son avis, mais c’est le chef qui décidera, et le chien devra apprendre à respecter cette décision.
Ce concept de hiérarchie est essentiel aux yeux d’Elodie. Cela s’oppose à l’un des piliers de base de l’éducation positive, mais il y a plusieurs raisons et beaucoup d’expérience derrière cet avis.
D’abord, la hiérarchie permet à l’humain de pouvoir décider à la place du chien. Le chien ne peut pas connaître tous les éléments de l’équation, et a besoin d’une décision humaine pour le guider.

Par exemple : le chien et son maître se promènent sans laisse à la campagne. Lors de la balade, le maître et le chien doivent traverser une route. L’humain sait que les voitures arrivent vite sur cette route et ne s’arrêteront pas forcément pour laisser passer le chien. Il sait que si celui s’avance sur la route, il s’expose à un danger. De son côté, le chien est pressé. Il veut traverser sans attendre son compagnon humain.
- Dans le cas de l’éducation positive, il faudra compter sur le chien pour ne pas traverser la route et se mettre en danger. On lui aura appris que s’il ne traverse pas une route sans l’aval de son maître, il aura une friandise, ou gagné le jeu. Or, il et possible que le chien ne souhaite ni manger ni jouer, et il ne verra aucun intérêt à « jouer le jeu » et peut traverser.
- Dans le cas d’une hiérarchie apprise au chien, il sait qu’il doit attendre car au-delà du jeu, ou de la friandise, il doit systématiquement avoir l’aval de son maître pour traverser une route.
La hiérarchie sécurise pourtant le chien
Il est plus sécurisé pour le chien d’avoir appris une hiérarchie maître-chien. On ne peut pas attendre d’un chien de connaître tous les dangers de son environnement ni d’avoir constamment envie de jouer à respecter les règles. On voit bien, à travers cet exemple, ce que souhaite rappeler Elodie à propos de la non-hiérarchie. Ce concept de l’éducation positive part d’un bon sentiment. Dans les faits, elle ne fonctionnera pas à chaque fois, et peut amener à des situations dangereuses. Tirer sur la laisse est moins dangereux que d’être en totale liberté.
On voit aussi à travers cet exemple que la hiérarchie telle que présentée n’a rien de malsain. Elle n’est pas le résultat d’une volonté de domination de l’humain sur son chien. Ici, l’égo de l’humain n’a aucune place dans les raisons qui justifient l’installation d’une hiérarchie.
Nous présentons ici un exemple ou le chien peut être en danger lui-même sur la voie publique. Nous aurions pu présenter un exemple où le chien peut mettre en danger autrui. Par exemple, son foyer familial, des inconnus, d’autres chiens.
L’interdiction de sanctionner le chien
Un autre pilier de l’éducation positive est la non-sanction du chien lorsqu’il fait une erreur. Le maître doit éviter au chien de se retrouver dans une situation où une erreur de sa part est possible. Par exemple, si dans les règles du foyer le chien ne doit pas rentrer dans les chambres, alors toutes les portes de chambres de la maison doivent être fermées pour éviter au chien de faire une bêtise, rentrer dans une chambre. Ainsi, pas de punition nécessaire.
Sur ce point, Elodie souhaite nuancer ce parti-pris de l’éducation positive. Il est capital de pouvoir signaler au chien les interdits. L’éducation positive s’est basée sur ce pilier-ci afin de protéger l’animal de brimades, grondements traumatisants, et du sentiment de culpabilité qui pourrait le rendre triste.
Or, Elodie rappelle qu’il est tout à fait possible de signaler au chien les interdits sans faire preuve de violences ou de cris ! Dans sa méthode d’éducation canine, c’est le ton employé qui signale au chien qu’il a fait une erreur. La « sanction » telle qu’on l’entend dans cette partie consiste en un changement de ton de la voix du maître, qui va lui montrer son erreur et le guider pour sortir de l’erreur. Il n’est pas nécessaire d’arriver à des comportements néfastes pour communiquer avec son chien pour qu’il comprenne qu’une zone ou un acte est interdit.
Aussi, le pouvoir de dire « non » à son chien est amené par l’existence d’une hiérarchie, ce qui justifie encore le point précédent.
Un chien est un être sensible et intelligent, il est parfaitement capable de sentir et de comprendre le langage corporel voir oral de l’humain lorsque celui-ci le félicite. Il est donc aussi capable de comprendre le message lorsqu’il a fait une erreur.
Si on reprend l’exemple des chambres de la maison :
- Dans la méthode d’éducation positive, si une personne du foyer oublie de fermer sa porte et que le chien va s’allonger sur le lit, il n’y aura pas de moyen de lui apprendre à ne pas le faire.
- Dans une pratique de l’éducation canine qui permet le « non », les membres de la famille peuvent rester libres de leur usage des portes sans compromettre la présence du chien dans un lit. Il aura essayé un jour d’y rentrer, on lui aura expliqué avec une voix ferme mais sans violence et sans cris, que la chambre, c’est « non », et que ce n’est pas bien. Le chien ne doit pas être dans cette zone de la maison, et doit sortir. Il apprendra et ne refera plus l’erreur. Grâce aussi à la hiérarchie, le chien accepte le « non » du maître (ce qui n’empêche pas sa bienveillance).
Le lien entre la race du chien et la compatibilité à l’éducation positive
Certaines races sont plus appropriées aux méthodes d’éducation positive, tandis que d’autres ne le sont pas du tout. Elodie nous propose un petit tour des types de races qu’elle a éduqués, et leurs réactions à la suite de l’éducation positive.

Les chiens de berger et de chasse : à ne surtout pas entraîner avec l’éducation positive !
Lors de ses séances, Elodie a beaucoup affaire à des border collies, des bergers australiens, et autres chiens de berger et de chasse. La plupart des cas les plus difficiles à éduquer sont ceux qui sont passés par l’éducation positive.
Dans un premier temps, explorons le schéma chronologique classique observé :
- La famille adopte un chien de berger ou de chasse après le sevrage. En voulant bien faire, ces familles ont choisi les clubs d’éducation positive pour leur chiot. Là-bas, les éducateurs ont recours à la friandise comme récompense pour chaque réussite du chiot. L’objectif du chiot lorsqu’il « obéit » (on parle plutôt de « gagner un jeu » dans le jargon de l’éducation positive), est d’obtenir une friandise.
- Le temps passe, le chiot apprend la relation entre réussite d’un exercice et friandise.
- Le chiot atteint l’adolescence à peu près au moment où là phase finale de l’éducation positive entre en jeu. C’est la phase ou on demandera au chien de réussir les exercices sans obtenir de friandise. Maintenant que le chien sait comment réussir ses exercices, il doit apprendre à apprécier une nouvelle forme de récompense : la satisfaction, sans autre forme de récompense comme les friandises jusqu’alors.
Et c’est à ce moment-là que les chiens de bergers et de chasse ne sont pas du tout réceptifs. Ces chiens particulièrement intelligents traversent l’adolescence. Ils sont submergés par les hormones, les stimulis. Ils ont grandi, ils ont plus de force. Et ils n’ont pas encore le calme ou la maturité pour apprécier la récompense sous sa forme de « satisfaction personnelle » uniquement.
C’est lors de cette phase que ces chiens décident que réussir les exercices n’a donc aucun intérêt, et arrêtent d’obéir. Des comportements incontrôlables du jeune chien entrent en jeu, et la famille se retrouve débordée d’un coup par un jeune chien fougueux, curieux, têtu, musclé, grand, qui décide seul de ce qu’il peut faire ou non. Le chiot devient un danger pour lui-même et pour les autres.
Rééduquer les chiens de berger passés par l’éducation positive
D’après les observations d’Elodie lors de ses cours d’éducation canine avec les chiots se retrouvant dans ce schéma, c’est la morsure qui pose le plus problème. Chez le chien, la période de l’adolescence est longue (6 à 12 mois), et elle est particulièrement plus capricieuse chez le chien de berger. Rattraper les comportements fougueux de ces jeunes chiens de bergers est un véritable défi pour elle au quotidien. Le berger australien est celui qu’elle a le plus rencontré comme ayant des comportements inadaptés vis-à-vis de la morsure à la suite d’une éducation positive en club.
Le chien de famille sédentaire : attention à la prise de poids !
Pour les races de type « chien de famille », l’éducation positive pose moins de problèmes. Cependant, le schéma de rébellion lié à la période d’adolescence couplée à la fin des friandises persiste. Cela dit, il amène moins à des problèmes de morsure chez ces chiens.
Dans les faits, lorsque l’adolescence et le « sevrage » de la friandise en cas de réussite interviennent en même temps, la famille pourra être tentée de continuer le système de friandise jusqu’à la fin de l’adolescence. Ainsi, on peut gérer dans un premier temps les comportements impétueux liés à l’adolescence, et ensuite apprendre au chien de nouveaux modes de récompense. Après l’adolescence, le jeune chien sera plus apte à gérer ses frustrations et cet apprentissage sera plus facile.
Cependant, continuer la friandise au quotidien avec un chien sédentaire présente d’autres risques, liés à sa santé cette fois. L’obésité ou le surpoids réduisent fortement le confort et l’espérance de vie du chien, il faut donc y veiller de près. Continuer la friandise pendant 2 à 3 ans est peu compatible avec un régime canin équilibré.
Le chien de chasse
Le chien de chasse n’est pas forcément compatible à ce type d’éducation à cause de son instinct de chasseur. Ils sont facilement déconcentrés par les odeurs, et peut attentifs à la nourriture. Il sont brusques, ce qui peut amener à la blessure plus rapidement.
Le système de friandises de l’éducation positive
Comme introduit dans la partie précédente, le système de friandises est une clé de l’éducation positive.
Elodie a plusieurs alertes sur ce système, et un exercice concret pour lequel cette méthode est très efficace.
La friandise est-elle vraiment indispensable dans l’éducation canine?
D’abord, concernant le principe de donner une friandise lors de la réussite d’un exercice. Lors de sa carrière de maître-chien, aucun besoin de friandise. C’est avec beaucoup de surprise que ce concept lui est parvenu lors de sa reconversion. Et pourtant, elle obtenait d’excellents résultats lorsqu’elle travaillait à l’armée. Ne pas donner de friandises était compensé par un rapport au jeu et à la félicitation du chien par des caresses et des félicitations orales, que le chien accueille très bien. Comparé à la méthode d’éducation positive, c’est comme si l’éducation canine d’Elodie en tant que maître-chien consistait à sauter une étape : plutôt que de sevrer le chien de ses friandises au bout d’un an d’éducation, il apprenait directement que le jeu, la réussite, le respect des règles lui apporte la satisfaction d’avoir fait plaisir à son maître.
Une éducation de renforcement des bons comportements à l’aide de félicitations sans friandises est donc possible, et a fait ses preuves.
Une nette utilité pour des exercices difficiles
Il y a toutefois un exercice pour lequel la friandise a eu des résultats incomparables, c’est l’exercice d’immobilité. D’excellents résultats ont pu être observés lorsque l’emploi de friandises ont été associés avec la réussite du chien lors d’un exercice de type « reste » ou « pas bouger », pendant plusieurs minutes, même quand le maître s’éloigne. C’est un exercice particulièrement difficile pour le chien, et c’est dans ce cas seulement qu’Elodie utilise la friandise lors de l’apprentissage.
Ensuite, soulignons le contenu de la récompense au-delà de sa forme. Il faut privilégier les friandises composée de nourriture saine, et destinée au chien. Si on utilise de la nourriture destinée à l’alimentation humaine lors de l’éducation du chiot, on lui apprend que cette nourriture peut lui être donnée plus tard. Il va donc avoir à tendance à réclamer à table, voler dans les assiettes… On ne lui rend pas service finalement, parce qu’il devra désapprendre et gérer une frustration supplémentaire.
Le dressage est un jeu et un échange entre le maître et son chien, pas besoin d’impliquer l’appétit.
Elodie Taillieu, éducateur canin et ancien maître-chien
L’éducation positive n’est pas efficace seule.
Nous avons jusqu’ici identifié les points de l’éducation positive qui, dans la pratique, ont montré de mauvais résultats. Cependant, comme l’indique Elodie, elle observe d’excellents résultats chez les éducateurs de son entourage et dans son propre travail, quand on complète l’éducation positive avec d’autres méthodes plus classiques.
On parle alors :
- d’une éducation classique du chien pour respecter les règles de la famille,
- de l’apprentissage de la hiérarchie du chien vis-à-vis de son maître,
- d’un renforcement positif lors de bons comportements du chien, à l’aide d’une communication verbale et corporelle (caresses, félicitations),
- d’un rapport aux friandises qui reste exceptionnel,
- d’une relation toujours bienveillante entre le chien et son maître, tout en étant clairement définie grâce à la hiérarchie qui est conservée.
Aussi, l’éducation positive est un concept récent. Il faut se méfier de l’effet de mode actuel, sur laquelle surfe l’éducation positive. Elle est évidemment construite sur la base de bons sentiments et de la protection de la santé morale et physique du chien, mais les résultats observés dans la réalité ont permis d’identifier des limites cruciales à cette méthode, comme présentés ci-dessus.
Si vous prévoyez d’accueillir un chiot ou un chien, ou que vous en avez déjà un, et que vous souhaitez l’éduquer avec des méthodes qui se rapprochent le plus possible de l’éducation positive, tournez-vous vers des éducateurs canins expérimentés. Ceux-ci auront l’expérience nécessaire pour garder le meilleur des méthodes qu’ils auront rencontrées, et pourront s’adapter au mieux à votre demande. Ils sauront vous proposer un apprentissage sécurisé, avec d’excellents résultats sur le long terme.
En conclusion : oui au renforcement positif lors de l’éducation canine, et attention aux dangers de l’éducation positive
Pour conclure cet article, voici les points clés à retenir :
- La hiérarchie entre le maître et le chien est capitale pour permettre l’apprentissage du chien sans friandises. Cette hiérarchie n’a pas vocation à flatter l’égo du maître. Elle permet au chien de situer sa place dans le foyer familial et à en respecter les règles.
- Apprendre au chien les interdits permet de lui apprendre à gérer la frustration. Cela permet aussi de conserver un ordre dans le foyer. La place de chacun dans les décisions est clair, chacun peut s’épanouir à sa juste place.
- Certaines races ne se prêtent pas du tout à l’éducation positive. C’est le cas des chiens de chasse et des chiens de berger.
- Les chiens de famille peuvent être réceptifs, mais il faut surveiller l’apport calorique des friandises qui lui sont données.
- Lors de l’éducation positive, le plus grand risque de débordements se trouve au moment du sevrage du chien vis-à-vis de la friandise en cas de réussite. Souvent rencontrée à l’adolescence du chien, c’est là que des comportements dangereux peuvent apparaître, comme les morsures.
- Le renforcement positif est une manière d’éduquer le chien qui est tout à fait recommandé. Surtout lorsqu’il est complété par un apprentissage de la hiérarchie familiale et des interdits. L’éducation positive seule présente de moins bons résultats, et par conséquent un moindre bienêtre de la famille et du chien.
Toute l’équipe de educani.fr remercie vivement Elodie Taillieu pour le temps accordé à notre interview. Son avis sur l’éducation positive est très constructif. Vous pouvez faire appel aux services d’Elodie sur Lille et ses alentours, ainsi que sur Raismes et ses alentours.
Pour plus d’informations, vous pouvez visiter son site internet : https://elodie-educateur-canin.fr/.
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